[Courrier] Lettre déposée

Un humain, de gris et bleu vétu, couvert de boue a moitié sêche se présente devant Bruuk.

J'ai une missive a déposer, on m'a dit que je pourrais trouver ici une dénomée Shaana An'Eada.

Bruuk, sans répondre, désigna la jeune elfe aux cheveux argents, après un coup d'oeil au portrait qu'il avait avec la lettre, l'humain la posa devant elle, et sans un mot de plus pris le large.

*La lettre, dans le même état que le messager semblait avoir survécut à mille tempêtes*


Shaana,

Comment dire, de quelques manières que ce soit, à quel point je regrette ce gâchis.
Ne pas être sortis à temps de mon apathie, ne pas t’avoir vu t’éloigner, que tu n’ais pas plus essayé de nous sortir de cette impasse, que tu sois partie rejoindre une pourriture qui t’as ouvert les bras, que tu l’aimes et que tu décides que cela ne changerait pas.

Il y avait tant à dire sur la douleur que tu m’as causé, et si peu l’a été.

Sache simplement que sans toi, qui étais le seul repère que j’avais conservé sur cette planète, la seule chose qui me restait, je n’ai vraiment aucune raison de continuer d’y vivre.

Chaque bouffée d’air était une souffrance, chaque nuit une agonie, voilà ce qu’ont été les derniers jours depuis que la nouvelle m’est parvenue … la mer le scandait, le vent le hurlait … Shaana est partie.

Ma vie aussi répondrais-je ce soir.
J’ai essayé de faire en sorte que tu me haïsses ce soir, pour qu’enfin, par la suite, tu ne vives pas avec ce souvenir, que tu l’oublies un peu plus vite que tu ne l’aurais fait.

Azshara … Berceau de l’hiver … tous ce qui était beau sur cette planète t’était associé, tout ce que je connaissais d’admirable je l’avais partagé avec toi.
Je garde un souvenir ému et vif de nos promenades, de nos luttes, de nos soirées, même celles que je passais à travailler dans le fortin de Menethil, ton regard me couvant, la flamme de la bougie dansant dans tes yeux.
En écrivant ces mots, j’ai milles images qui me viennent en tête, ta façon bien a toi de bander ton arc, ta main dans le pelage de Shano, la peur dans tes yeux en me croyant blessé, ton rire lorsque j’étais tombé du ponton en attendant le bateau, le ronronnement de Tendresse en ta présence.
Malgré tout, ces souvenirs, toi, étiez les seules choses qui donnaient un sens à tout ce cirque.

Même maintenant, face a ces fioles que je vais boire, pour renaître, je n’hésite pas.
La pensée de ses mains sur toi, dans tes cheveux, que ton rire, tes abandons puissent être destinés a d’autres me fait encore trembler de rage.

Finir cette lettre était comme te quitter ce soir, recevoir encore la brûlure de tes lèvres sur ma peau, un déchirement. Je ne sais pas comment conclure, comment trouver la force de reposer cette plume et te dire adieu, mettre un terme, enfin, et déjà ...

Mon feu, mon souffle, mon cœur, mon âme, Trésor.
Je n’ai aimé que toi.

Adieu ri man ‘ar an tur
Takaris.

Assise dans un coin reculé de la taverne, Shaana leva les yeux en entendant son nom prononcé. Elle referma le carnet dans lequel elle achevait de remettre au propre le dessin des symboles runiques trouvés sur le corps de Gardhran.

Sa main se mit à trembler en prenant la lettre que le messager lui tendait. L'écriture sur le message scellé, bien que rendue presque illisible, lui était trop familière pour qu'elle ne la reconnue pas...

Son coeur battant à tout rompre, elle eut du mal à parcourir le message.
Lisant et relisant les mots, voilés par une pluie de larmes, laissant ses émotions reprendre le dessus, laissant les souvenirs évoqués l'étouffer, lui déchirer la poitrine dans une douleur insurmontable...

Trésor...
Plus jamais elle n'entendrait sa voix prononcer ce mot si doux à son coeur...

Ri man'ar an tur....
Non Takaris.... Man'ar an alah ... Pour tous les deux...

Tard dans la nuit, recroquevillée sur sa chaise, au fond de la taverne, une jeune elfe en larmes, serre sur son coeur une feuille de papier froissée où l'encre à coulé, comme pour tenter de retenir contre elle les souvenirs d'un amour perdu...

Lentement le barde s'approche de son amie dont la souffrance est si lisible. Il se penche et dépose un doux baiser sur sa joue en silence avant de regagner sa place.

Sa façon à lui de s'exprimer, de dire comme la tristesse de son amie l'affecte aussi, sans l'obliger à rien.

Pourvu que Feare ne tarde pas. Le guerrier saura mieux que lui avoir le comportement qu'il faut... si elle l'accepte.

Et il repense... à son destin... à ce sort cruel qui lui est fait en ce moment. Il a envie de pleurer, de dépit, de tristesse, de rage aussi... et bientôt ses yeux embués font écho aux larmes de Shaana. Il voudrait hurler, mais ne parvient pas à s'y résoudre. Seule la queue battante d'Echeyakee révèle sa nervosité et c'est seulement après de longues heures passées en équilibre sur deux pieds de sa chaise, adossé au mur de granit et assommé par une petite dizaine de grogs qu'il finit par sombrer dans un sommeil sans rêves.

Ses pensées rebondissant sur les souvenirs, l’esprit obscurci par la douleur, le regard voilé par les larmes, Shaana ne réagît pas au baiser offert par Crileloup.
En cet instant, il lui semblait que rien, jamais, ne pourrait effacer l’empreinte laissée par Takaris, le vide laissé dans les profondeurs de son âme…

La silhouette familière de Feare, immobile au centre de la salle, la rappela à la réalité, rendant sa douleur encore plus présente. Une fois de plus, il acceptait sans rien dire qu’elle pleure sur un autre, qu’elle l’oublie un instant pour se tourner vers les souvenirs…

Un flot de tendresse pour le guerrier, la submergea. Il lui offrait tellement sans rien attendre en échange…
Elle leva vers lui un regard remplit d’amour et de désespoir, tendant la main vers la seule personne au monde, capable d’adoucir ces instants douloureux…

Elle lui tendit la lettre, le laissant prendre conscience du mal qu’elle avait fait…