Trésor…
Le mot résonnait à ses oreilles, comme un souffle de vie, comme une lueur d’espoir, comme une porte entrouverte sur un futur incertain.
Le vent sifflait, emmelant ses cheveux, au rythme du vol du Gryphon.
Tant de choses. Tant de larmes. Tant d’espoirs perdus, tant de sourires gâchés…
« Bonjour. On se connaît, non ? »
Ainsi avait été les premiers mots du « nouveau » Takaris.
Nouveau… Ca oui. Tout au moins différent d’apparence.
Plus calme, plus posé, plus réfléchi. Vieillit, moins fougueux.
Pourtant toujours semblable…
Elle lui avait sourit…
Trésor…
La douleur lui tordait les entrailles. Le Gryphon devenait nerveux, au fur et a mesure qu’elle s’accrochait désespérément à ses plumes.
Elle l’avait écouté parler, la conseiller, la guider. Plusieurs fois…
Au fil du temps, un lien nouveau s’était retissé, un lien différent. Et pourtant….
Elle avait suivi ses conseils. Elle en avait parlé à son guerrier. Elle lui avait dit qu’elle le voyait, qu’elle aimait le voir. Il s’était braqué, il avait dit ne pas vouloir en entendre parler…
Elle avait été déçue…
Trésor…
L’odeur de la foret d’Ashenvale pénétrait ses narines, les odeurs des fleurs de printemps et des feuilles des arbres apaisant son esprit, rendant la douleur plus acceptable. Le Gryphon prenait des virages doux, évitant les arbres avec dextérité, sans la secouer. Il avait senti….
Ces derniers temps, il s’était fait plus sec, plus sévère. Son jugement était devenu cassant. Elle sentait parfois le mépris dans ses propos. Il la trouvait inerte. Inintéressante. Il disait qu’il ne voyait pas en elle celle que le chasseur lui avait décrit, celle qu’elle avait été… autrefois.
Ses yeux s’arrêtaient sur les courbes des autres elfes. Il aspirait à l’amour… avec une autre…
Elle avait eut mal….
Trésor…
Le Gryphon se posa à l’entrée de la forêt d’Azshara, laissant l’elfe glisser à terre. Le visage déformé par la douleur, elle se hissa avec difficulté sur le dos de Lune.
Chantelune, la louve, l’attendait, tournant en rond, en proie à l’inquiétude, gémissant comme un chiot à chacune des contractions de l’elfe.
Elle suivait son guerrier partout. Mais maintenant qu’elle lui appartenait, elle le trouvait plus distant. Peut être aussi les responsabilités qu’il avait endossé depuis que Gardhran avait été retrouvé, apathique et l’esprit dérangé… Le doute s’était installé… Pourtant, elle se noyait toujours dans son regard, elle ressentait toujours les flammes de l’amour, dés que ses mains l’effleurait, dés que ses bras se refermaient sur elle, que ses lèvres se posaient sur les siennes. Mais elle doutait…
Trésor…
Lune s’était arrêtée à l’entrée de la caverne. Depuis des semaines, elle aménageait l’endroit, en prévision de ce moment. Mais c’était trop tôt, bien trop tôt. Elle le savait. Chantelune aussi le savait. Elle voulait que l’enfant naisse en Azshara. Le pays de l’automne. Comme son nom… autrefois…
« Tu te laisses mourir… ».
Peut être avait il raison. Mais pouvait elle vraiment lutter contre cette souffrance qui la détruisait chaque jour, pouvait elle vraiment lutter contre ces nuits blanches, remplies des fantômes qui la hantaient. ? Avait elle seulement encore envie de vivre ? Envie d’aimer ?
Dans son regard ne brillait que mépris, sans une once de pitié. Il n’approuvait pas sa faiblesse. Il n’avait jamais aimé les faibles, ceux qui se laissent détruire…
Il ne lui laissait aucun espoir…
Trésor…
Des heures que le travail avait commencé. Des heures que chaque effort lui arrachait des cris de souffrance. Elle était épuisée. Elle n’y arrivait pas. Elle n’y arriverait pas seule…
Chantelune tournait en rond, en proie à la panique. Son instinct de louve, ses souvenirs de mère, l’avaient alertée.
Elle avait tenté d’entrer en contact avec le clan. Trouver de l’aide… Mais elle était trop faible, elle n’y était pas parvenue.
Elle était seule…
Les bras du guerrier s’étaient refermés sur elle sans chaleur. Sa voix était froide, comme teintée de colère. Quelque chose n’allait pas. Quelque chose qui la mettait mal à l’aise…
Elle lui avait demandé. Il avait nié... Il n’avait pas voulu dire.
Il avait refermé les bras sur elle en la serrant plus fort, comme s’il avait peur qu’elle s’échappe. Elle avait refermé sa main sur la sienne avec inquiétude. Pour la première fois, elle ne trouvait pas l’apaisement habituel de son étreinte.
Le sommeil ne venait pas. La lune brillait au dessus de la jetée d’Auberdine. Sans un bruit, elle quitta la chaleur de ses bras et l’abris de l’arbre, pour s’asseoir en haut des dunes.
Tendresse lui tenait compagnie. Sa présence était rare et d’autant plus précieuse.
Elle se remémora la soirée. Les Lunargent sur la plage, la présence de Tarion, les jeux dans la mer, la course sur le sable en compagnie des druides-chat, la fin de soirée autour du feu, la venue de cet étrange druide Kilgalad…
Quand avait elle pu lui déplaire ? Ou qui lui avait il dit une chose blessante ?
Peut être Edwinea… Ils avaient parlés, seuls à l’écart, sur la plage. Elle les avait vus…
Elle avait peur…
Trésor…
Son corps devenait flasque, même la douleur des contractions ne parvenait plus a lui arracher de cris. Il manquait si peu… Quelques minutes encore, et l’enfant pourrait sortir… Elle posa la main sur son ventre, respirant avec difficulté.
« Encore un effort Ishura, quelques instants. Aide moi… »
Résister. Ne pas perdre conscience…
Quelque chose n’allait pas. Elle le voyait. Il avait l’air malade, mais pourtant elle savait que c’était autre chose. Tendresse posa son museau contre lui, avec un air inquiet. Elle paniqua…
Elle voyait dans ses yeux se succéder des émotions contradictoires. La peur, la colère, la souffrance, l’amour, la haine… Comme ce jour là, au bord du lac du Lit d’Helm…
Il balbutiait des phrases sans suite, des mots sans logique. Il l’écoutait à peine.
Elle cherchait des paroles douces, des mots apaisants, mais elle ne les trouvait pas.
« Va t’en ! »
Les mots la frappèrent comme une gifle. Il la chassait… Elle hésita…
Non, il n’était pas lui même. Pas vraiment. Ou peut être si…
Quelque chose se passait, le temps se brouillait. Le passé, le présent se mélangeaient…
Le temps se suspendit…
Trésor…
Le cri d’angoisse résonna sur les parois de la caverne. Dehors, les oiseaux se turent, comme par respect pour la douleur de la jeune mère. En écho à son cri, Chantelune lança un long hurlement de détresse, un chant de mort, un cri de désespoir.
Couchée sur le sol froid de la caverne, Shaana serrait dans ses bras son enfant, né trop tard pour trouver la force de son premier cri, la force de son premier souffle de vie…
Feare dormait toujours au pied de l’arbre, elle le voyait s’agiter dans son sommeil, se retourner, l’esprit tourmenté par quelque chose qu’il avait préféré lui cacher…
Les délires de Takaris semblaient se calmer. La lune se couchait sur l’horizon, éclairant la mer de reflets d’argent. Ses phrases reprenaient un sens.
Un sens trop évident…. Des phrases où les souvenirs étaient intacts, la douleur ravivée. Malgré la peur, malgré la douleur qui lui vrillait le cœur, elle sentit l’espoir renaître.
Il renaissait, il redevenait Lui…
Il sortit sa pierre de foyer, et l’activa.
« Au revoir… »
Et alors que déjà son corps s’effaçait, son dernier mot résonna dans le silence de la nuit…
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